Entretien avec Manon Simonot, master 2 d’ingénierie statistique, stagiaire pour le projet “MArche meSurée par le dispositif eGaiT chez la pERsonne âgée (projet MASTER)”, ayant bénéficié d’une bourse de stage ELIT en 2024
Ce stage a bénéficié d’un cofinancement du cluster HEMI (Human Experience in Manufacturing & Industry 4.0).
Marine Ducoin : Peux-tu te présenter et présenter ton parcours académique ?
Manon Simonot : Après le bac, j’ai fait une double licence en mathématiques et en informatique pour le coté bi-disciplinaire. Je me suis ensuite inscrite en master d’ingénierie statistique à Nantes Université. Ce n’est pas une formation qui est fermée sur un domaine : on y apprend les théories statistiques pour qu’ensuite nous puissions aller dans une multitude de domaines différents.
Marine Ducoin : Quelles sont tes missions en tant que stagiaire au Laboratoire de Mathématiques Jean Leray (LMJL) ?
Manon Simonot : Il faut savoir que je suis à la fois rattachée au LMJL et au Laboratoire « Motricité, Interaction et Performance » (MIP), qui est une unité de recherche orientée sur l’optimisation du mouvement humain. Pour le moment, je suis plus souvent au laboratoire de mathématiques car cela constitue le cœur de la première partie de mon stage1. Une des missions principales de mon stage est d’évaluer la concordance de mesures issues de deux dispositifs. Le premier dispositif s’appelle « eGait ». Il est développé par le LMJL. C’est un dispositif portatif composé d’un accéléromètre, d’un gyroscope et d’un magnétomètre, que l’on place sur la hanche droite des sujets, qui vont marcher avec. L’objectif de ce dispositif est de fournir des données qui permettent d’étudier la démarche de patients, pour ensuite essayer de prédire leur risque de chutes ou d’hospitalisation, ou même de détecter des troubles de la marche avant l’apparition des symptômes. Le second dispositif, « GAITRite », est un tapis de marche dont l’objectif est similaire au premier dispositif, et qui est considéré comme une référence dans ce domaine. Mon but est d’évaluer la concordance des informations fournies par les deux dispositifs pour « valider » le dispositif «eGait» qui est développé par le laboratoire de mathématiques. Pour cela, il faut que je puisse comparer des paramètres spatio-temporels entre les deux dispositifs. Cela peut être, par exemple, la vitesse de marche ou encore le pourcentage de temps d’appui du pied dans un cycle de marche. Ce sont des paramètres spatio-temporels récupérés directement par le tapis. Sur « eGait », en revanche, on récupère des séries temporelles de quaternions unitaires2 . Ces données doivent être segmentées en cycles de marche, dont il faut ensuite tirer des paramètres spatio-temporels. Pour cela, j’utilise du « machine learning », une approche statistique : mon modèle apprend les temps de contact au sol du pied droit dans mes séries temporelles. Comme le tapis « GAITRite » est une référence qui a été validée, nous nous en servons pour valider notre capteur afin de vérifier sa fiabilité.
Marine Ducoin : Comment se manifeste l’interdisciplinarité dans ton stage ?
Manon Simonot : Le stage part d’une collaboration entre deux laboratoires. Le MIP, de son côté, s’intéresse à l’étude de la marche, qui est liée à l’état de santé général des patients, surtout des personnes âgées dans le cadre de mon stage. La vitesse de marche va nous renseigner sur de nombreux aspects, y compris leur cognition et leur état de santé global. Et de l’autre côté, il y a le LMJL, qui traite les parties mathématique et informatique du projet. Il y a des discussions entre tous les chercheurs. Personnellement, je me forme à l’étude du mouvement et à l’étude de la démarche chez les personnes âgées. Et de l’autre côté, je travaille sur des mathématiques et de l’ingénierie, ce qui correspond à ma formation. Il y a aussi un coté médical avec l’interaction avec les médecins.
Marine Ducoin : Quelles sont tes perspectives pour l’avenir ?
Manon Simonot : J’aimerais m’orienter plutôt vers le monde de la recherche parce que je trouve ce domaine enrichissant : je trouve qu’on a souvent l’occasion de discuter avec des chercheurs qui ne font pas la même chose que nous. Là, par exemple, quand je vais au MIP, je discute avec des gens qui travaillent sur des objets et sujets qui n’ont rien à voir avec ce que je fais. Au sein même du laboratoire de mathématiques, j’ai l’occasion de discuter avec des gens qui font des mathématiques plus théoriques. Dialoguer avec des personnes issues d’autres disciplines, c’est toujours enrichissant.
Marine Ducoin : Comment as-tu intégré ce stage ?
Manon Simonot : C’est un stage obligatoire de fin de Master 2. L’année dernière, en Master 1, j’ai effectué un stage facultatif. J’avais sollicité l’un de mes professeurs qui enseignait des matières plutôt informatiques pour le réaliser. Il s’agissait d’un stage au sein du même projet, dans lequel j’ai développé une application web, avec R3, pour fournir au personnel hospitalier des résumés graphiques et tabulaires venant des données récupérées par le dispositif “eGait”. Cette année, j’ai eu l’occasion d’être de nouveau prise en stage sur ce projet et j’ai évidemment accepté car il est très intéressant.
Antoine Gabriel : Quelle définition donnerais-tu à l’interdisciplinarité ?
Manon Simonot : Pour moi, l’interdisciplinarité, c’est mettre en commun des savoirs ou des compétences de plusieurs disciplines. Cela permet de travailler sur des projets intéressants, qui ont besoin de ces différents savoirs et de ces différentes compétences que des chercheurs qui travaillent dans différents domaines possèdent, et qu’ils regroupent.
Antoine Gabriel : Est-ce que tu as envie de renouveler cette expérience en interdisciplinarité ?
Manon Simonot : Je pense que c’est très intéressant de travailler en interdisciplinarité, de s’intéresser à plusieurs disciplines en même temps. C’est intéressant de discuter avec des personnes qui ne travaillent pas forcément dans les domaines dans lesquels nous sommes « experts ». Dans le domaine des statistiques appliquées, il est par exemple possible de d’utiliser les statistiques dans des domaines variés, dans lesquels nous n’avons pas été formés initialement mais sur lesquels on se forme et on apprend avec l’expérience. Par exemple, j’aime aujourd’hui travailler dans le domaine de la santé, et je pourrais également être intéressée par les statistiques sur l’écologie, notamment l’écologie marine.
Entretien réalisé le 3 juillet 2024 à 10h, par Marine Ducoin et Antoine Gabriel, étudiants-stagiaires auprès du réseau ELIT (de juin à juillet 2024). La transcription des entretiens a été réalisée à l’aide du logiciel Whisper, via Sharedocs (https://www.huma-num.fr/). Nous remercions la plateforme Huma-Num Loire (https://msh-ange-guepin.univ-nantes.fr/laccompagnement-a-la-recherche/huma-num-loire) pour son appui.
- Afin d’accompagner l’émergence de projets et collaborations interdisciplinaires associant les SHS aux sciences de l’ingénieur et/ou de la santé autour des enjeux de la santé et de l’industrie du futur, le réseau de recherche ELIT soutient des projets interdisciplinaires au travers d’un dispositif de bourses de stage pour des étudiant·e·s en M1 ou M2 [↩]
- Notation mathématique commode pour représenter l’orientation et la rotation d’objets en trois dimensions (page wikipédia) [↩]
- R est un langage de programmation et un logiciel libre pour le traitement de données et l’analyse statistique [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
GABRIEL Antoine (18 juillet 2024). Entretien avec Manon Simonot, master 2 d’ingénierie statistique, stagiaire pour le projet “MArche meSurée par le dispositif eGaiT chez la pERsonne âgée (projet MASTER)”, ayant bénéficié d’une bourse de stage ELIT en 2024. ELIT (Elaborating Interdisciplinarity with SSH). Consulté le 21 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/121hc