Entretien avec Rana Noureddine, master 2 Santé Publique, parcours prévention, éducation pour la santé et éducation thérapeutique du patient, pour le projet: “Littératie en Santé Publique” ayant bénéficié d’une bourse de stage ELIT en 2024
Marine Ducoin : Est-ce que tu peux nous présenter ton parcours universitaire de manière générale ?
Rana Noureddine : J’ai obtenu un diplôme de kinésithérapie à l’Université Libanaise, puis j’ai intégré directement le master 1 en santé publique à Aix-Marseille Université à la rentrée de septembre 2022 et maintenant, je suis en deuxième année de ce master et je me spécialise dans le parcours prévention, éducation pour la santé et éducation thérapeutique du patient. L’année dernière j’ai effectué un stage au sein de PASQUAL, qui est la structure régionale pour la qualité des soins et la sécurité des patients1. Il s’agissait d’une étude qualitative sur l’expérience des patients en oncologie. Cette année je fais mon stage à Nantes Université avec le soutien du réseau ELIT2. Mon stage est encadré par deux laboratoires : l’équipe SPHERE de l’Inserm et le Laboratoire de Psychologie de Pays de la Loire (LPPL) et nous travaillons sur la thématique de la littératie en santé publique.
Marine Ducoin: Ce stage est-il obligatoire pour la validation de ton master ?
Rana Noureddine: Oui, c’est un stage de fin d’études de 6 mois maximum et 4 mois et demi minimum, pour pouvoir soutenir un mémoire de recherche à la fin, sur la question de la littératie en santé publique.
Marine Ducoin : Et comment as-tu été amenée à postuler à ce stage au sein de Nantes Université ?
Rana Noureddine: Au début je ne cherchais pas des stages de recherche, j’étais plutôt attirée par un stage professionnalisant pour mon master mais le sujet de l’offre de stage m’a attirée puisque j’avais déjà travaillé sur une étude qualitative auparavant, alors je me suis dit que j’allais peut-être tenter ma chance et j’ai déménagé de Marseille à Nantes.
Marine Ducoin : Quelles sont tes missions dans le cadre de ce stage ?
Rana Noureddine : Il faut savoir que le sujet de la littératie en santé publique, c’est très large. L’objectif final est de construire un outil de mesure de la littératie en santé publique. Pour ma part je suis arrivée dans la phase 1 du projet, qui est de positionner le concept parmi les autres concepts. J’avais pour mission tout d’abord de faire l’état des lieux de la littérature autour de la littératie en santé publique. Le deuxième objectif était de redéfinir la littératie en santé publique, en précisant des éléments mesurables de la littératie. Donc, je mène maintenant une étude qualitative auprès des professionnels de santé publique. La question de cette recherche est la suivante: « quelles sont, selon eux, les connaissances et les compétences minimales que les individus doivent posséder face à un enjeu en santé publique ? »
Marine Ducoin: Dans quelle mesure l’interdisciplinarité a été un atout durant ce stage ?
Rana Noureddine : L’équipe SHPERE est une équipe pluridisciplinaire, qui travaille sur plusieurs axes avec différents profils dans l’équipe (des biostatisticiens, des médecins, des chercheurs en santé publique, …etc.). Il y a aussi le Laboratoire de Psychologie des Pays de la Loire (LPPL) qui comprend des psychologues, des psychologues de la santé et des statisticiens aussi. Donc, il y a le côté interdisciplinaire à l’intérieur même des deux laboratoires. De plus, j’étais amenée à prendre différents points de vue sur le sujet (envisager le sujet du point de vue d’un biostatisticien, ce n’est pas l’envisager selon le même point de vue qu’un psychologue par exemple). Donc cela enrichit le contexte, la manière de définir nos objectifs et la question de recherche. Et cette question de recherche est en elle-même interdisciplinaire. Les personnes que j’ai interviewées avaient des profils variés : professionnels et chercheurs issus de plusieurs domaines. On pouvait parler de santé publique, de VIH, de marge communautaire, de nutrition, d’addictologie…, etc. L’interdisciplinarité se retrouvait aussi bien dans le contexte de l’étude que dans les sujets abordés.
Marine Ducoin: Penses-tu avoir réussi à répondre aux objectifs que tu t’étais fixés lors de la rédaction du dossier de candidature ? Par exemple, est-ce que tu as réussi à positionner le concept de littératie en santé publique quand tu as fait le travail de bibliographie de la littérature autour de la littératie ?
Rana Noureddine : Oui, c’est le travail que j’ai mené pendant le premier mois de mon stage. C’était un travail énorme de reprendre la littérature scientifique autour de ce concept de littératie qui a émergé dans les années 1980. J’ai pu positionner la littératie en santé publique. J’ai pu voir que c’est un concept qui a été en quelque sorte laissé de côté pendant des années. Au départ, on était vraiment axé sur l’approche clinique de la littératie en santé. Ce qui a donc validé ma question de recherche. Pourquoi cherche-t-on à redéfinir et opérationnaliser le concept aujourd’hui ? Pour l’étude qualitative, j’ai mené 11 entretiens, que je suis en train d’analyser. Les résultats préliminaires font ressortir des précisions des connaissances et des compétences en santé publique. Mais les résultats sont limités avec 11 participants seulement. C’est pour cela qu’un sujet de thèse a été déposé afin de poursuivre et approfondir mon sujet de stage. Je vais candidater auprès de l’École Doctorale Biologie Santé.
Marine Ducoin : Que retiens-tu de ce stage ? Qu’est-ce qui a été formateur ? Est-ce que tu as développé des compétences professionnelles ? Est-ce le stage qui t’a donné envie de faire une thèse ?
Rana Noureddine: J’ai été très bien encadrée dès le début de mon stage. On m’a aidée à orienter mon travail de recherche. Quelques semaines après le début du stage, j’ai présenté mon projet de recherche au réseau francophone de la littératie en santé. Donc, j’ai eu un crash test devant des professionnels de littératie en santé et j’ai eu une validation par cette petite communauté, ce qui m’a mise en confiance. Mes encadrants ont insisté pour que ce soit moi qui présente le projet de recherche, alors-même que j’étais nouvelle dans le projet. Ce qui était un peu nouveau pour moi, c’était de mener des entretiens. En master 1, j’ai assisté à une étude qualitative sans mener les entretiens, j’étais juste observatrice. Cette année, j’ai beaucoup apprécié le fait de pouvoir prendre contact avec les professionnels, de pouvoir discuter…. Et je pense que cela a eu un impact sur ma personnalité car à présent, je sais comment discuter, et comment mener un entretien et obtenir des réponses sans faire sentir à l’autre qu’il est dans une investigation. J’ai eu le soutien de la part des biostatisticiens, pour savoir comment établir le questionnaire, comment valider la force de ce dernier… Je n’ai pas un profil de biostatisticienne, je suis « santé publique pure ». Ici, au Laboratoire de Psychologie de Pays de la Loire, j’ai assisté à des « lab time » à la pause du midi. Il y est question des méthodes et astuces de recherche. Je vais assister à une formation sur l’école psychométrique que SPHERE organise chaque année, alors que je ne suis pas encore en thèse, pour avoir des informations et une base en psychométrie. Je vais assister à une formation de trois jours pour savoir comment construire et valider un questionnaire. La semaine prochaine, j’ai trois jours de formation et je vais deux jours aux Rencontres de Santé Publique France à Paris. Ce sont mes encadrants qui m’ont encouragée à y participer, même si je n’y assiste pas en tant que présentatrice, cela me permettra d’avoir un réseau de connaissances pour l’année prochaine. Je présenterai aussi le projet de recherche pour les auditions orales à la journée scientifique de l’équipe SPHERE à Tours. Cette journée constituera une répétition officielle en vue de ma candidature pour la thèse. J’y présenterai ce que j’ai fait cette année, durant ma deuxième année de master, et ce que je prévois de faire durant les trois années à venir. En tout j’aurai effectué trois présentations de mes travaux lors de ce stage, ce qui est très formateur.
Marine Ducoin: Est-ce qu’il y a des axes d’amélioration concernant ton stage?
Rana Noureddine : Au niveau organisationnel avec les équipes, je ne changerais rien. Au niveau du projet de recherche, il y aurait des modifications à faire, sur des aspects techniques. À un moment donné, au lieu de mener des entretiens individuels, on a privilégié des focus group, ce qui s’est avéré plus difficile à organiser sur une durée de stage de cinq mois. Donc, si je continue, on va privilégier des focus group, car cela va faire émerger plus d’idées et d’échanges entre les professionnels. Mais au niveau organisationnel, entre les deux équipes au sein des deux laboratoires, c’était vraiment très bien.
Entretien réalisé le 5 juin 2024 à 15h, par Marine Ducoin et Antoine Gabriel, étudiants-stagiaires auprès du réseau ELIT (de juin à juillet 2024). La transcription des entretiens a été réalisée à l’aide du logiciel Whisper, via Sharedocs (https://www.huma-num.fr/). Nous remercions la plateforme Huma-Num Loire (https://msh-ange-guepin.univ-nantes.fr/laccompagnement-a-la-recherche/huma-num-loire) pour son appui.
- https://pasqual.sante-paca.fr/ [↩]
- Afin d’accompagner l’émergence de projets et collaborations interdisciplinaires associant les SHS aux sciences de l’ingénieur et/ou de la santé autour des enjeux de la santé et de l’industrie du futur, le réseau de recherche ELIT soutient des projets interdisciplinaires au travers d’un dispositif de bourses de stage pour des étudiant·e·s en M1 ou M2. [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Marine Ducoin (9 juillet 2024). Entretien avec Rana Noureddine, master 2 Santé Publique, parcours prévention, éducation pour la santé et éducation thérapeutique du patient, pour le projet: “Littératie en Santé Publique” ayant bénéficié d’une bourse de stage ELIT en 2024. ELIT (Elaborating Interdisciplinarity with SSH). Consulté le 20 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/11z5l